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Que gagne-t-on à espérer ?

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descriptionQue gagne-t-on à espérer ? - Page 4 EmptyRe: Que gagne-t-on à espérer ?

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Philippe Jovi a écrit:
Sauf si, comme Pascal l'affirme lui-même, je "sais" que j'appartiens au corps mystique de Jésus-Christ, auquel cas, je "sais" que je suis sauvé et alors,
je n'espère rien et je ne crains rien. (Pascal, Pensées, B920)

Un nihiliste aurait pu dire la même chose que Pascal. Qu'est-ce qu'on ne peut craindre et qui n'inspire aucun espoir ? Le néant. Nous n'avons jamais été aussi proches de la philosophie indienne.

descriptionQue gagne-t-on à espérer ? - Page 4 EmptyRe: Que gagne-t-on à espérer ?

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jean ghislain a écrit:
Quand, par exemple, notre imagination nous a emporté illusoirement vers des réalisations que nous sommes incapables d'accomplir.
Est-ce que pour autant il faut s'interdire d'espérer et d'agir ? Est-ce qu'on ne peut pas aussi espérer tout en faisant preuve de prudence, ou bien cette dernière empêche-t-elle définitivement tout souhait tourné vers ce qui ne dépendrait pas de nous ? Faut-il ne pas envisager les différents possibles par crainte de leurs conséquences, ou bien espérer est-il libérateur face à nos craintes et la seule manière pour nous de faire notre vie, de lui donner un sens, en luttant contre l'incertitude qui est la condition principale de notre existence ?

jean ghislain a écrit:
C'est tellement le sentiment des mauvais jours, que l'espoir semble servir au plus malheureux, voire à l'esclave.
Le maître n'a-t-il aucun espoir ? Est-il, comme par magie, délivré de tout malheur et de toute faiblesse ?

jean ghislain a écrit:
Pris dans l'inextricable, notre imagination nous joue des tours, et pourquoi ne pas dire qu'elle peut nous rendre fou ?
Mais l'homme est un animal malade selon Hegel et fou d'après Castoriadis : c'est, pour ce dernier, le seul animal qui ne soit pas adapté à son environnement et qui ne puisse survivre sans d'une part l'invention de la société et d'autre part sans sa créativité permise par son imagination radicale, phantasmatisation défonctionnalisée qui pose sur/dans/à partir de ce qui est ce qui n'est pas et ce en permanence dans un flux qui fait surgir des représentations, des affects et des désirs.

jean ghislain a écrit:
Ne parle-t-on pas d'espoir fou ?
Je ne connais pas cette expression, pourriez-vous donner un exemple de son utilisation ?

jean ghislain a écrit:
Né dans la faiblesse, l'espoir ne nous reconduit qu'à la faiblesse en nous faisant ravaler notre déception.
Pourtant cet espoir a semble-t-il mobilisé de grandes forces, que ce soit en religion ou en politique.

jean ghislain a écrit:
Pourquoi craindre l'espoir alors ? Que peut-on craindre dans une situation où l'on s'est projeté et où l'on reste certain de la bonne suite des événements ?
Mais l'espoir est-il la même chose que la certitude ? Si nous étions certains du futur nous n'espérerions pas. Nous ne connaissons pas ce qui est comme à-être et nous avons à faire notre vie en dépit de l'incertitude fondamentale du cours des événements et parce que nous avons cette incertitude. C'est cela aussi qui nous permet d'exercer notre liberté. L'espoir permet de se lancer dans des projets que nous n'oserions pas entamer si nous pensions que tout est vain et inutile. Et c'est parce que nous ne pouvons prévoir les conséquences de nos actes que nous devons être responsables en maintenant une certaine prudence vis-à-vis de la démesure que peuvent susciter nos désirs et nos espérances.

jean ghislain a écrit:
Rester sur un espoir peut aussi empêcher de penser au pire. Faut-il ne pas penser le pire et espérer toujours le meilleur ?
Ce serait s'aveugler. Mais l'espoir est plutôt une réserve de force, quelque chose qui permet de continuer à vivre malgré les événements néfastes qui s'abattent sur nous. C'est une visée prenant en compte le fait que le temps est encore ouvert vers un avenir et que d'autres événements peuvent changer notre situation, pourquoi pas en bien, et qui donne à nos actes un plan où s'inscrire, ce qui donne du sens à ce que nous faisons et nous permet de nous accrocher à la vie. Je peux perdre ce que j'ai de plus cher, par exemple si mon épouse meurt d'un cancer. Mais étant toujours en vie je peux espérer apprendre à vivre avec cette perte et me reconstruire sachant que mon futur est indéterminé et qu'en agissant et en profitant des bonnes occasions, si elles se présentent, je pourrai "refaire" ma vie. C'est cela qui doit me permettre d'endurer et de surmonter mes souffrances, c'est cela qui fait que ma vie peut encore avoir un sens, c'est cela qui m'empêche de mettre fin à mes jours dans l'instant.

jean ghislain a écrit:
Quand l'homme porte son espoir envers l'autorité, il sublime ses désirs et vit mieux en société. Cela serait valable dans une société qui défendrait le bien général.
J'y vois plutôt une forme d'aliénation ou d'assistanat. Si je ne participe pas à l'autorité, si elle est séparée de moi, comment puis-je être libre ? Ne tombe-t-on pas dans une société hétéronome lorsque l'on reconnaît le pouvoir d'une instance transcendante d'après son savoir ? Je ne parle pas ici de la relation maître-élève, c'est autre chose. Il me semble que cet espoir placé dans cette autorité, parce que nous craignons pour notre vie et avons besoin de sécurité nous incite à renoncer à notre liberté (c'est le modèle hobbesien). C'est là aussi que l'espoir devient espérance au sens religieux et que l'on se soumet à une instance qui décide pour nous. Cependant, la société doit effectivement fournir du sens à l'existence humaine, sans quoi elle dépérit. Quant à la sublimation, elle a lieu dans quasiment toutes nos activités si on se réfère à Castoriadis, en tant notamment que l'on passe, par exemple lorsqu'on parle, d'un plaisir d'organe à un plaisir tiré de la formation de représentations. On investit affectivement des représentations imaginaires qui composent notre monde.

jean ghislain a écrit:
Or la société ne conduit-elle pas l'homme sur la voie imposée par un rapport social de forces ?
Si, bien entendu, mais est-ce tant que ça imposé au sens où ce serait une fatalité ? Faut-il se retirer en soi-même, se retirer du monde, se résigner et laisser toute domination se réaliser comme un destin ? Ou faut-il justement, pour cette raison même, lutter et espérer, pour être autonome et l'être en étant responsable, c'est-à-dire en assumant le risque inhérent à toute entreprise humaine ?

Dernière édition par Silentio le Dim 11 Mar 2012 - 22:08, édité 1 fois

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jean ghislain a écrit:
Quand l'homme porte son espoir envers l'autorité, il sublime ses désirs et vit mieux en société. Cela serait valable dans une société qui défendrait le bien général. Or la société ne conduit-elle pas l'homme sur la voie imposé par un rapport social de forces?

Je vois mal comment l'individu pris dès sa naissance dans "les filets du langage" et qui utilise ce même langage pour porter son propre discours comme sujet, pourrait échapper à la société. Et pourquoi se plaindrait-on que la société résulte d'un rapport de forces puisque ces forces sociales sont précisément les désirs des individus exprimés dans toutes leur diversité, leurs différence... dont il ne nous reste plus, par l'expérience historique, qu'à extraire le caractère universel. A "espérer" donc... ... que ces individus soient suffisamment libres de s'exprimer afin que ce "rapport de forces" ne résulte pas du seul arbitraire, usant d'un pouvoir illégitime.

J'ajouterais qu'il me semble intéressant de souligner ici l'importance de ne pas perdre de vue l'écart entre volonté (acte résultant de liberté) et espérance : autrefois l'homme soumis à une religion révélée ne pouvait qu'espérer que son sort s'améliore grâce à un bon vouloir venu du ciel, une clémence céleste ayant vocation à le pardonner de ses péchés. Cette "autorité" était donc extérieure à sa propre conscience, et cet espoir n’était que soumission à une volonté transcendante, celle d'un Dieu tout puissant (dont le despote s'arrogeait arbitrairement la puissance) lui promettant protection et sécurité, en échange d'une "bonne" conduite selon des règles pré-établies et imposées d'en haut.

L’éclairage apporté par Freud complète les données philosophiques citées précédemment, et nous renseigne sur les modalités complexes suivant lesquelles l'homme (occidental, moderne, civilisé) a intériorisé cette "autorité" divine en la ramenant sur terre (ce n’est plus Dieu qui fait la Loi mais la société des vivants, les étants), et dans son for intérieur individuel. En sublimant ses instincts et désirs, en lui "fabriquant" un Surmoi individuel (ou conscience morale), instance sévère interne au soi et qui surveille le Moi, et lui donne cette capacité à s'auto-punir (par un retour d'agressivité contre soi-même). Homme devenu capable d'action, de libre volonté dans sa propre existence, sans se cantonner à un espoir purement attentiste et passif. Homme devenu responsable.

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Aristippe de cyrène a écrit:
Est-ce plus juste de le dire ainsi : la liberté de penser à laquelle Spinoza aspire est incompatible avec le pouvoir politique de la religion, d'où sa volonté de déconstruire le pouvoir politique de la religion, en en faisant deux domaines distincts, pour qu'aucun des deux ne nuise à l'autre ?
Reprenez son Traité-théologico-politique. Il lance les hostilités dès l'incipit :
La prophétie ou révélation est la connaissance certaine d'une chose, révélée aux hommes par Dieu. Le prophète, c'est celui qui interprète les choses révélées à qui n'en pouvant avoir une connaissance certaine n'est capable de les embrasser que par la foi.
Il affirme explicitement que les prophètes, ceux à qui Dieu parle, à qui Dieu révèle quelque chose parce qu'en tant que prophètes, ils sont capables d'entendre, de comprendre ce qui leur est révélé, ont accès à une connaissance certaine (la vérité). Et que fait le prophète en interprétant les choses révélées ? Il les interprète pour ceux qui n'ont pas les moyens de les comprendre, pour ceux à qui Dieu n'a rien révélé, ceux à qui Dieu n'a pas parlé et qui, de ce fait, n'ont pas une connaissance certaine, n'ont pas accès à la vérité.

Mais Spinoza ne dit pas seulement cela. Le prophète ne peut s'adresser qu'à ceux qui, n'ayant pas accès à la vérité, ne peuvent y accéder que par la foi. Le prophète parle : on le croit. Mais ceux qui pourraient accéder à la vérité à la fois sans Dieu (puisque Dieu ne leur a pas parlé, ils ne sont pas prophètes), et sans foi (ils n'ont pas besoin d'attendre que les prophètes viennent leur parler) ? Ceux-là, qu'en fait-on ? En tout cas, ils n'ont pas besoin des prophètes (!). Or, qui sont-ils ? Ceux dont il se pourrait bien qu'ils pussent accéder à la vérité au moyen de la seule raison, par eux-mêmes - et qui ont l'avantage de ne pas dépendre des prophètes, plus exactement d'interprètes innombrables, siècles après siècles, des paroles des prophètes, eux-mêmes interprètes de Dieu ! On ne peut pas accepter ça quand on a accepté le Traité de la réforme de l'entendement ! Spinoza avait l'art d'agacer ses contradicteurs par son aplomb ! Il est probable qu'on l'ait aussi puni précisément parce que la communauté juive comptait beaucoup sur lui, comptait lui attribuer des fonctions éminentes.

Strauss a écrit des choses absolument essentielles à propos de la place intellectuelle de Spinoza dans l'histoire de la pensée juive depuis le XVIIe siècle. Lisez sa thèse, La critique spinoziste de la religion (1930) - publiée aux éd. du Cerf en 1996 -, et la préface qu'il rédigea à l'occasion de la publication du texte en 1965 aux États-Unis (préface que vous trouvez au choix dans Pourquoi nous restons juifs (La Table Ronde, coll. Contretemps, 2001), ou dans Le libéralisme antique et moderne (1990)). - Mais ne lisez pas ça maintenant ! Attendez quelques années.

Aristippe de cyrène a écrit:
Euterpe a écrit:
Sur le plan politique, Spinoza est très conventionnel. Son "incorrection" est à regarder du côté de la communauté juive.
Je ne suis pas sûr de bien comprendre... Pourriez-vous m'éclairer ?
Spinoza est un modéré qui n'est pas "fondateur" de la philosophie politique moderne. Il veut séculariser la vie civile et politique, décentrer la vie et l'autorité religieuses (encore au XXe siècle, des penseurs aussi éminents que Gershom Scholem le lui reprochaient ! et pas qu'un peu ! - Je pense même que c'est Spinoza qu'on vise (symboliquement du moins) à travers les critiques virulentes adressées par les sionistes à Hannah Arendt : on a déjà eu un Spinoza, on n'en veut pas une deuxième fois, fût-il une femme !).

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Le plus abordable pour lire une interprétation de Spinoza sous la plume de Strauss reste La persécution et l'art d'écrire.
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