L'espoir est une chose essentielle à l'homme. Conscient de sa mortalité il lui permet de se projeter dans l'avenir et de lutter contre ses craintes, quand bien même leur objet se réalisera fatalement (la mort). Il est affaire de confiance. En ce sens, l'espoir est vital, il permet à l'homme de supporter le savoir de sa mort prochaine (et imprévisible) et de faire preuve d'imagination (poser ce qui n'est pas) et de créativité (de même que d'oubli) pour continuer à vivre et inventer des futurs autres qu'il peut réaliser. Cela signifie aussi que comme ouvertures au problème du temps et à celui de la mortalité, l'espoir et la crainte sont des conditions de possibilité pour l'homme d'inventer sa vie et de lui donner un sens (qui n'est possible que si mon futur est lui-même un horizon d'attente et peut lui-même posséder un sens ; si la vie était si terrible, si je ne pouvais espérer autre chose, si mon présent était dérisoire à l'égard de la mort annoncée, autant en finir tout de suite... autant réaliser mes craintes ! puisque de toute façon je vais mourir un jour - mais quand ? L'espoir permet aussi de vivre avec, malgré, en dépit de la mortalité).
L'espoir, ou l'espérance, n'est mauvais qu'en ceci que la crainte de la mort prédomine sur l'espoir et que cet espoir redoublé est placé dans un arrière-monde qui dévalue la vie au profit de la mort elle-même. Cela signifie que l'on place sa vie sous l'égide de la crainte et de la mort, et que par déni de cette mort l'espoir devient le véhicule de l'hétéronomie : ainsi, refusant la mort, je place mes espérances en un Dieu qui légitime l'Eglise (instance politique de domination), en des textes sacrés (qui donnent une réponse à tout) et en une morale (qui restreint ce que je peux). S'instaure donc une clôture du sens à laquelle je me soumets volontiers car dans mon espérance c'est la crainte qui me motive et j'en suis au bout du compte l'esclave. Et doublement esclave, puisque ce qui correspond à ma volonté d'être libéré (espérance) légitime une vie mortifiée et/ou hétéronome (asservie à la loi d'un autre, soumise à l'impératif de la mort ou d'un ordre, d'une sécurité, qui restreignent l'existence individuelle : par crainte de la mort on consent à se défausser de sa liberté propre pour servir et s'assujettir à ce qui paradoxalement nous semble protecteur et est en réalité la seule forme de violence en cette vie, comme si finalement on ne se rendait pas compte que c'est en se prémunissant de la mort qu'on la faisait entrer dans notre vie par sa soumission à différents pouvoirs la réduisant à une certaine passivité - c'est au nom de ce qui n'est pas, la mort ou le néant, recouverts par une idole, que l'on invente des dispositifs qui séparent notre vie de notre volonté propre, on ne se conduit plus selon la loi que l'on se donne, on ne se risque plus à vivre, à errer et commettre des erreurs).
En même temps, il est quasiment impossible d'accepter pleinement la mortalité et l'espérance religieuse peut parfois aider à vivre et à se prendre en main (à faire de sa vie ce que l'on veut et à s'en soucier). Mais alors il faut partir d'une conception de la foi qui laisse toute sa place au doute. C'est là seulement que l'on peut apprendre à vivre au bord de l'abîme. Dans ce jeu, ni la crainte ni l'illusion de l'espérance ne dominent absolument, les deux se compensent et permettent de vivre. Bien entendu, l'idéal serait de pouvoir vivre sans crainte et sans espérance, en se sachant mortel et en assumant sa propre existence. Mais vivre c'est aussi toujours se débrouiller avec l'imprévu, avec le réel, le singulier, sans qu'il y ait de guide ou de notice d'utilisation.
L'espoir, ou l'espérance, n'est mauvais qu'en ceci que la crainte de la mort prédomine sur l'espoir et que cet espoir redoublé est placé dans un arrière-monde qui dévalue la vie au profit de la mort elle-même. Cela signifie que l'on place sa vie sous l'égide de la crainte et de la mort, et que par déni de cette mort l'espoir devient le véhicule de l'hétéronomie : ainsi, refusant la mort, je place mes espérances en un Dieu qui légitime l'Eglise (instance politique de domination), en des textes sacrés (qui donnent une réponse à tout) et en une morale (qui restreint ce que je peux). S'instaure donc une clôture du sens à laquelle je me soumets volontiers car dans mon espérance c'est la crainte qui me motive et j'en suis au bout du compte l'esclave. Et doublement esclave, puisque ce qui correspond à ma volonté d'être libéré (espérance) légitime une vie mortifiée et/ou hétéronome (asservie à la loi d'un autre, soumise à l'impératif de la mort ou d'un ordre, d'une sécurité, qui restreignent l'existence individuelle : par crainte de la mort on consent à se défausser de sa liberté propre pour servir et s'assujettir à ce qui paradoxalement nous semble protecteur et est en réalité la seule forme de violence en cette vie, comme si finalement on ne se rendait pas compte que c'est en se prémunissant de la mort qu'on la faisait entrer dans notre vie par sa soumission à différents pouvoirs la réduisant à une certaine passivité - c'est au nom de ce qui n'est pas, la mort ou le néant, recouverts par une idole, que l'on invente des dispositifs qui séparent notre vie de notre volonté propre, on ne se conduit plus selon la loi que l'on se donne, on ne se risque plus à vivre, à errer et commettre des erreurs).
En même temps, il est quasiment impossible d'accepter pleinement la mortalité et l'espérance religieuse peut parfois aider à vivre et à se prendre en main (à faire de sa vie ce que l'on veut et à s'en soucier). Mais alors il faut partir d'une conception de la foi qui laisse toute sa place au doute. C'est là seulement que l'on peut apprendre à vivre au bord de l'abîme. Dans ce jeu, ni la crainte ni l'illusion de l'espérance ne dominent absolument, les deux se compensent et permettent de vivre. Bien entendu, l'idéal serait de pouvoir vivre sans crainte et sans espérance, en se sachant mortel et en assumant sa propre existence. Mais vivre c'est aussi toujours se débrouiller avec l'imprévu, avec le réel, le singulier, sans qu'il y ait de guide ou de notice d'utilisation.