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Le scepticisme et l'épicurisme comme eudémonologies ?

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5 participants

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Parce que suspendre son jugement est aussi suspendre les interprétations du monde ? Le sceptique serait alors en mesure de se rendre indifférent à ce qui se présente à lui, ne pouvant qualifier une douleur de contrariété.

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Aristippe de cyrène a écrit:
Le doute joue-t-il un rôle ici ?
Pour revenir à l'ataraxie que vous évoquiez, en quoi le doute, la suspension du jugement, permet-il d'accéder à l'ataraxie ?


Oui, le doute est ici le processus essentiel, puisque c'est le fait de douter (d'examiner, de σκοπεῖν, origine du mot français "sceptique") qui conduit les pyrrhoniens à l'échec de la pensée rationnelle, ou, autrement dit, à une forme particulière d'élucidation du problème. Là où les dogmatiques, en s'interrogeant sur le monde et en posant des problèmes, inventent des dogmes, souvent sources encore d'autres problèmes, les pyrrhoniens, tout en continuant à poser des problèmes (sans quoi ils ne seraient pas philosophes), renoncent à y trouver des solutions rationnelles ; et, en renonçant au dogmatisme, à l'avancée de la pensée encadrée dans des dangereuses convictions, ils obtiennent une indifférence puissante qui conduit à l'ataraxie. Tout leur travail philosophique consiste à inventer des instruments, des concepts, qui vont les aider dans leur chemin allant du doute à l'indifférence ; lorsqu'on lit leurs œuvres, c'est un prodigieux arsenal que l'on trouve. Ces hommes là aiment l'aporie et s'y complaisent.

Silentio a écrit:
Permettez-moi de douter du soi-disant bonheur de Montaigne. Il ne cesse de se plaindre de son manque de volonté, de grandeur d'âme, etc., du fait qu'il ne saura jamais égaler les anciens. Certes, il dit de très belles choses et peut se révéler être un homme d'excellence, surtout dans l'art de la citation, mais ses Essais sont bien souvent un aveu d'impuissance et d'échec à incarner ce qu'il voudrait être. Je ne crois pas du tout à ce Montaigne qui s'accorderait absolument à bien vivre. C'est plutôt quelqu'un qui ayant des problèmes avec le réel tente de se contenter de sa condition et peine parfois dans sa tâche.

C'est intéressant ce que vous dites. Vous semblez toujours faire de la grandeur, de l'excellence, de la perfection le critère principal du bonheur. Mais Montaigne dit très précisément :
Montaigne a écrit:
La grandeur de l'âme ne consiste pas tant à aller vers le haut et à aller en avant qu'à savoir trouver son rang et s'y limiter.

Or, plus Montaigne évolue, plus il trouve son rang, et se réjouit de celui-ci. Le livre troisième, où il se plaint de sa maladie de la pierre (comme Épicure !), est aussi le livre où son bonheur et sa joie de vivre jaillit à presque chaque chapitre. Ce n'est pas un hasard si les Essais, je le rappelle, finissent sur une sorte de joyeuse apologie du trou de balle (si l'on me passe l'expression) ! Il est content de n'être pas plus que lui-même, il ne vise pas, en idéaliste, plus haut que lui-même ; il est satisfait de son être, quoi qu'en perpétuel mouvement, car c'est ce mouvement même qui fait sa créativité et son bonheur d'écrire : Montaigne a trouvé son excellence. Car Montaigne n'est pas comme certains pyrrhoniens extrêmes allant jusqu'à ne plus rien faire, ceux que Nietzsche, cet amoureux de Montaigne, qualifiait de nihilistes ; il affirme des choses sans en faire des dogmes et, chose importante, son scepticisme ne limite pas sa créativité, il est toujours actif, fécond, puissant. Les Essais sont un trésor. La satisfaction devant le souple mouvement accompli et toujours en train de se faire, se réjouissant même des contradictions successives, c'est là la source du bonheur de certains sceptiques et de Montaigne en particulier : ils sont heureux d'avoir changé et de pouvoir changer encore : splendeur du processus créatif sans cesse recommencé.

Remarquez que c'est leur grande liberté d'esprit, condition de la création véritable, qui conduisit Nietzsche à faire l'éloge des sceptiques et à se qualifier ainsi, lui aussi :
Nietzsche a écrit:
Il ne faut pas s'en laisser conter : les grands esprits sont des sceptiques. Zarathoustra est un sceptique. La vigueur, la liberté qui vient de la force et du trop-plein de forces de l'esprit, se prouve par le scepticisme. Les hommes d'une conviction ne comptent  pas, dès lors qu'est en jeu tout ce qui touche aux principes de valeur et de non-valeur. Les convictions sont des prisons. Cela ne voit pas assez loin, cela ne voit pas de haut ; mais pour avoir son mot à dire sur la valeur et la non-valeur, il faut voir cinq cents au-dessous de soi, derrière soi... Un esprit qui veut quelque chose de grand, et qui en veut aussi les moyens, est nécessairement un sceptique. Pour être fort, il faut être libre de toute conviction, savoir regarder librement..


Dernière édition par Baschus le Mer 5 Oct 2011 - 9:33, édité 1 fois

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Non, je ne donne aucun de mes critères, je rappelle ce que Montaigne lui-même désirait ardemment. Il ne cesse de se comparer aux anciens qui représentent pour lui un idéal de vie, souvent bien trop haut. Il vit alors une tension entre ses aspirations et son incapacité à se montrer à la hauteur, d'où le "repli" sur une vie plus simple, mais là aussi Montaigne ne réussit pas à taire ses angoisses. Il n'a ni la force de caractère des anciens ni les techniques d'ascèse spirituelle, ce qui au bout du compte lui retire la possibilité de trouver l'ataraxie dont il aurait pourtant bien besoin. Il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans un doute qui déjoue les pièges du réel à la manière dont l'ironie dédramatise les événements, les survole et les esquive (ironie et humour font d'ailleurs parties des bagages de notre philosophe). Cela dit, je vous accorde que Montaigne semble progressivement se contenter en partie du réel, trouvant dans l'ordinaire des sources de joie. Mais sa joie ne me semble pas toujours spontanée, ni durable (ce pourquoi je ne parlerais pas de bonheur), toujours recherchée ardemment comme pour conjurer des démons trop menaçants. Néanmoins, et pour finir, je crois que ce que Montaigne a développé de plus essentiel c'est un savoir vivre qui lui permet malgré tout de retrouver une forme de simplicité qui s'accorde avec le réel.

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Je ne vois pas ce que vous dites en Montaigne. S'il a une grande admiration pour les anciens, il n'en a pas moins pour les humbles et simples paysans. Il ne veut pas être Caton ; il ne cesse de se moquer du fanatisme de la sagesse et de l'ascèse ; il est fier de ses désirs modérés qui vont pourtant à l'encontre de ce que recommandent épicuriens, stoïciens et chrétiens :

Montaigne a écrit:
Les philosophes veulent se mettre hors d'eux-mêmes et échapper à l'homme. C'est une folie : au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes ; au lien de se hausser, ils s'abaissent complètement.


Montaigne a écrit:
Des opinions de la philosophie j'embrasse plus volontiers celles qui sont les plus solides c'est-à-dire les plus humaines et les plus nôtres : mes opinions à moi, en conformité avec mon caractère et ma conduite, sont basses et humbles. La philosophie est bien puérile, à mon avis, quand elle se dresse sur ses ergots pour nous prêcher que c'est faire une alliance sauvage que de marier le divin avec le terrestre, le raisonnable avec le déraisonnable, le sévère à l'indulgent, l'honnête au déshonnête et que le plaisir physique est une chose bestiale, indigne que le sage la goûte : le seul plaisir qu'il tire de la jouissance d'une jeune et belle épouse, elle dit que c'est le plaisir de la conscience qu'il a de faire une action selon l'ordre normal, comme de chausser ses bottes pour une utile chevauchée. Puissent ses sectateurs n'avoir plus de "droit" et de "nerfs" et de suc pour le dépucelage de leurs femmes que n'en a sa leçon !


Il n'y a pas d'angoisse chez Montaigne. Laissez l'angoisse à Pascal. Son scepticisme n'est pas un repli, c'est un moteur. Enfin, il n'y a pas de bonheur toujours durable, car l'être n'est pas inamovible, il est en mouvement permanent ; l'essentiel est que ce mouvement aille dans un sens ascendant, ce qui est clairement le cas, me semble-t-il, chez Montaigne. Le bonheur n'est pas un état mais un processus.

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Merci pour l’éclaircissement sur le doute des sceptiques. Mais afin de mettre en rapport le doute des sceptiques et le doute cartésien, comparons un élément. Vous évoquiez au début le manque de sincérité dans le processus cartésien du doute, peut-on donc dire que même si contrairement à Descartes les sceptiques doutent pour douter, leur doute est au moins sincère ? Mais avant de partir sur cela peut-être devrions-nous voir en quoi consiste le manque de sincérité chez Descartes, et quelles étaient les critiques de Leibniz sur ce sujet. Où voit-on le manque de sincérité chez Descartes ? Je n'ai pas lu ses Méditations métaphysiques, mais j'ai lu le Discours de la méthode, et j'avoue ne pas y avoir vu ce manque de sincérité...
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