Parce que suspendre son jugement est aussi suspendre les interprétations du monde ? Le sceptique serait alors en mesure de se rendre indifférent à ce qui se présente à lui, ne pouvant qualifier une douleur de contrariété.
Aristippe de cyrène a écrit:Le doute joue-t-il un rôle ici ?
Pour revenir à l'ataraxie que vous évoquiez, en quoi le doute, la suspension du jugement, permet-il d'accéder à l'ataraxie ?
Silentio a écrit:Permettez-moi de douter du soi-disant bonheur de Montaigne. Il ne cesse de se plaindre de son manque de volonté, de grandeur d'âme, etc., du fait qu'il ne saura jamais égaler les anciens. Certes, il dit de très belles choses et peut se révéler être un homme d'excellence, surtout dans l'art de la citation, mais ses Essais sont bien souvent un aveu d'impuissance et d'échec à incarner ce qu'il voudrait être. Je ne crois pas du tout à ce Montaigne qui s'accorderait absolument à bien vivre. C'est plutôt quelqu'un qui ayant des problèmes avec le réel tente de se contenter de sa condition et peine parfois dans sa tâche.
Montaigne a écrit:La grandeur de l'âme ne consiste pas tant à aller vers le haut et à aller en avant qu'à savoir trouver son rang et s'y limiter.
Nietzsche a écrit:Il ne faut pas s'en laisser conter : les grands esprits sont des sceptiques. Zarathoustra est un sceptique. La vigueur, la liberté qui vient de la force et du trop-plein de forces de l'esprit, se prouve par le scepticisme. Les hommes d'une conviction ne comptent pas, dès lors qu'est en jeu tout ce qui touche aux principes de valeur et de non-valeur. Les convictions sont des prisons. Cela ne voit pas assez loin, cela ne voit pas de haut ; mais pour avoir son mot à dire sur la valeur et la non-valeur, il faut voir cinq cents au-dessous de soi, derrière soi... Un esprit qui veut quelque chose de grand, et qui en veut aussi les moyens, est nécessairement un sceptique. Pour être fort, il faut être libre de toute conviction, savoir regarder librement..
Montaigne a écrit:Les philosophes veulent se mettre hors d'eux-mêmes et échapper à l'homme. C'est une folie : au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes ; au lien de se hausser, ils s'abaissent complètement.
Montaigne a écrit:Des opinions de la philosophie j'embrasse plus volontiers celles qui sont les plus solides c'est-à-dire les plus humaines et les plus nôtres : mes opinions à moi, en conformité avec mon caractère et ma conduite, sont basses et humbles. La philosophie est bien puérile, à mon avis, quand elle se dresse sur ses ergots pour nous prêcher que c'est faire une alliance sauvage que de marier le divin avec le terrestre, le raisonnable avec le déraisonnable, le sévère à l'indulgent, l'honnête au déshonnête et que le plaisir physique est une chose bestiale, indigne que le sage la goûte : le seul plaisir qu'il tire de la jouissance d'une jeune et belle épouse, elle dit que c'est le plaisir de la conscience qu'il a de faire une action selon l'ordre normal, comme de chausser ses bottes pour une utile chevauchée. Puissent ses sectateurs n'avoir plus de "droit" et de "nerfs" et de suc pour le dépucelage de leurs femmes que n'en a sa leçon !