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descriptionStatut de la méthode transcendantale : Analytique ou Synthétique ? EmptyStatut de la méthode transcendantale : Analytique ou Synthétique ?

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Bonjour à tous,

Suite à ma lecture de la Critique de la raison pure, j’aurais une question peut-être un peu naïve au sujet du statut épistémologique de la méthode de Kant.

Il décompose les énoncés en trois familles :

- les énoncés analytiques a priori : essentiellement tautologiques et sans apport d’information du monde sensible (disjonctions de cas).
- les énoncés synthétiques a posteriori : issus de l’expérience et contenant donc une information non triviale.
- les énoncés synthétiques a priori : fondement de la méthode conceptuelle, porteurs d’information sans pour autant provenir de l’expérience (géométrie euclidienne, loi morale).

Le but de la méthode transcendantale est de dégager des conditions a priori de l’entendement, c’est-à-dire ce qui rend possible les énoncés synthétiques a priori.

Pourtant, on ne voit pas sur quoi se fonde la méthode transcendantale. Kant procède surtout par disjonctions de cas. Est-ce qu'on doit en conclure que la Critique de la raison pure constitue dans son ensemble un discours analytique ?

S’il y a une composante synthétique a priori dans le discours kantien, elle doit se réduire à quelques principes fondamentaux admis comme valides sans discussion (comme les axiomes de la géométrie). Si de tels principes sous-tendent la théorie kantienne, ils ne sont pas explicites.

A l'inverse, il y aurait un certain paradoxe à ce que le discours de Kant sur la connaissance soit de nature analytique alors que son travail vise à faire reconnaître le caractère synthétique de la connaissance théorique.

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JRO a écrit:
Suite à ma lecture de la Critique de la raison pure

Bonsoir,

Parlez-vous de la lecture intégrale de l'œuvre ? Si c'est le cas, il faudrait développer votre questionnement. En l'état, il laisse dans l'ombre la plus grande partie du texte.

Ou bien faites-vous seulement référence à la 4e partie de l'Introduction ? Si c'est le cas, vous ne pourrez tout simplement pas poser correctement la question, tant que vous n'aurez pas lu le premier chapitre de l'Analytique des Principes (cf. le schématisme), ainsi que La théorie transcendantale de la méthode (au moins le début et la fin).

En outre, y a-t-il une raison pour laquelle vous utilisez l'expression mathématique de disjonction des cas de préférence à l'expression de raisonnement analytique ? Le recours à la disjonction est conçu pour simplifier un raisonnement. Mais quand ce raisonnement s'étale sur des milliers de pages, on ne peut plus parler de disjonction. Ou bien est-ce une habitude terminologique de votre part ?

Enfin, pour formuler vos trois propositions, il faut recourir à l'intuition (intuition sensible ? intuition pure ?), mais également considérer que Kant ne se donne pas pour tâche d'énoncer des tautologies (jugements analytiques), puisque l'intérêt d'un jugement analytique n'est pas dans son contenu mais dans sa forme "révélatrice" : s'il est composé (le sujet contient son prédicat), cela signifie qu'il y a des connaissances a priori. Sauf que, en effet, ces jugements ne nous apprennent rien. C'est également le cas des idées de la raison, qui ne sont pas intelligibles, i. e. que l'entendement ne peut vérifier empiriquement. Mais ces idées sont vitales, quoique métaphysiques. Comment faire ?
Le projet consiste à concevoir, pour la métaphysique, des jugements qui puissent être à la fois synthétiques (il faut enfin lui donner du contenu, faire progresser la morale), et a priori (aussi vrais que le sont les jugements mathématiques).

Ainsi, le travail de Kant n'est pas de "faire reconnaître le caractère synthétique de la connaissance théorique".

Cordialement.

descriptionStatut de la méthode transcendantale : Analytique ou Synthétique ? EmptyRe: Statut de la méthode transcendantale : Analytique ou Synthétique ?

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Cher JRO,
Votre question est très loin d'être naïve et touche, me semble-t-il, l'un des points décisifs à appréhender pour comprendre - et sauver ! -  la Critique de la raison pure. Nombre des critiques de Kant ont en effet tenté de discréditer sa démarche en alléguant le caractère auto-contradictoire des théories qu'il déploie : Kant dirait une chose - que la connaissance ne peut progresser que dans les limites de l'expérience possible - et en ferait une autre - la connaissance transcendantale qu'il met en oeuvre pour écrire la Critique et parvenir à de tels résultats passerait outre ses propres recommandations (c'est ce qu'affirme par exemple Schulze, l'un des premiers lecteurs de Kant, dans sa Critique de la philosophie théorique).
Et de fait, une telle critique peut sembler juste : on sait, de prime abord, que le discours critique ne peut relever du jugement analytique, qui ne produit aucune connaissance nouvelle (comme l'a déjà souligné Euterpe). On sait également qu'il ne relève pas du jugement synthétique a posteriori : les conditions transcendantales de possibilité ne se promènent pas dans la nature, et la connaissance transcendantale, pour être apodictique, se doit d'être a priori
Il faut donc que la connaissance transcendantale relève du jugement synthétique a priori, et c'est là que les choses se corsent. Dans la Critique, Kant a montré que les jugements synthétiques a priori sont possibles dans la mesure où nous avons une intuition pure de l'espace et du temps, qui joue, à l'égard de ces jugements, le même rôle que l'intuition empirique à l'égard des jugements synthétiques a posteriori. La mathématique peut ainsi produire des jugements synthétiques a priori parce qu'elle procède par construction de concepts dans l'intuition pure. Mais il ne semble pas en aller de même pour les propositions de la philosophie transcendantale : on voit mal par exemple, comment l'intuition pure pourrait jouer un rôle dans la constitution d'un jugement transcendantal tel que "tout ce qui arrive a une cause".
Kant est donc obligé, pour rendre compte du statut de la connaissance transcendantale, de penser un autre type de connaissance synthétique a priori. C'est ce qu'il fait au sein de la théorie transcendantale de la méthode. Il commence par distinguer deux types de propositions synthétiques a priori : les mathema, qui sont des propositions synthétiques par construction de concepts dans l'intuition pure, et les dogma, qui sont des propositions directement synthétiques par concept. Nous avons déjà vu que la connaissance philosophique ne peut pas procéder par des mathema. Mais elle ne peut pas non plus relever des dogma, qui sont en fait des illusions : la raison ne peut jamais produire de connaissance directement synthétique par concepts car il est impossible qu'elle trouve dans les simples concepts le moyen de sortir d'eux et de les lier à d'autres concepts qui ne leur sont pas identiques.        
Kant introduit alors un troisième type de proposition synthétique a priori, qui doit rendre compte de la connaissance transcendantale : les propositions indirectement synthétiques par concepts. Elles sont indirectes dans la mesure où elles ne lient pas directement deux concepts entre eux, mais nécessitent un troisième terme. Et ce troisième terme, c'est, nous dit Kant, la possibilité de l'expérience elle-même : ce qui permet d'énoncer une connaissance transcendantale et de prouver qu'elle est vraie, c'est le fait que, sans elle, l'expérience ne serait pas même possible. Par exemple, la proposition transcendantale "tout ce qui arrive a une cause" est prouvée par le fait que, si on la niait, on ne pourrait plus penser la synthèse des intuitions dans le temps, et que l'expérience serait alors impossible. Or l'expérience est bien possible, puisqu'elle est effective : les propositions transcendantales sont donc prouvées par là.
La connaissance transcendantale procède donc bien par jugements synthétiques a priori, mais d'un type tout particulier : les jugements synthétiques indirects. On voit aussi par là comment Kant échappe aux critiques formulées plus haut : la connaissance transcendantale n'outrepasse pas les limites de l'expérience possible, puisqu'elle conserve une relation, certes médiate, à l'expérience : elle unit entre eux des concepts par l'intermédiaire de la possibilité de l'expérience.
J'ai été obligée ici d'être rapide et vague, mais j'espère que ma réponse vous apportera toutefois quelques éléments. Il y a moyen de nuancer infiniment le propos, et il reste surtout beaucoup à dire sur la modalité que reçoit par là la connaissance transcendantale (qui dès lors, se trouve fondée par ce qu'elle fonde, à savoir la possibilité de l'expérience - situation tout de même paradoxale !). Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement la lecture du livre d'Antoine Grandjean, Critique et réflexion - essai sur le discours kantien. C'est une vraie mine d'or !

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Ysé a écrit:
Si le sujet vous intéresse, je vous conseille vivement la lecture du livre d'Antoine Grandjean, Critique et réflexion - essai sur le discours kantien. C'est une vraie mine d'or !

Thèse dont on peut consulter de très larges extraits : ici. (Nous l'avons ajouté à la bibliothèque du forum.)
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