Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Vous adressez-vous à moi ?
Je ne prétends pas que les Indiens et les Grecs auraient hérité d'un bagage philosophique protohistorique, bien au contraire ! Ce serait totalement incompatible avec le fait que l'on ne retrouve aucune trace de ce même bagage chez les autres peuples indo-européens et surtout que l'on n'en trouve pas de trace en Grèce avant l'Orphisme et Pythagore... Ce que je postule est un échange intellectuel indirect entre l'Inde et la Grèce vers le VIIe ou VIe siècle avant notre ère, permettant à la philosophie grecque de devenir plus qu'une simple physique.
Si j'accorde autant d'importance à l'Orphisme, c'est tout simplement parce que c'est de lui que le Pythagorisme (et donc indirectement le Platonisme et l'Occident tout entier) semble avoir hérité du dualisme matière/esprit.
L'idée d'âme immortelle unique et distincte du corps, dans la doctrine de Pythagore, ne va pas sans le rejet de la matière, la métempsychose et la nécessité de se purifier par un travail psychique. Ces notions n'ont absolument rien d'égyptien (je rappelle que dans la tradition d’Égypte il n'y a ni âme unique - elles sont deux - ni réincarnation, et à ce que je sache, aucun rejet du corps), par contre, ces notions sont bien présentes dans l'Orphisme, elles en sont même les principales caractéristiques.
Je l'ai déjà dit dans mon premier message, la doctrine de Pythagore est extrêmement proche de l'Orphisme et pour ainsi dire toutes les différences entre ces deux systèmes sont à imputer à l'influence intellectuelle des philosophes de la nature (substitution des mathématiques à la poésie, volonté d'expliquer le cosmos) et à celle des cultes à mystères (structure de la secte de Pythagore et prétentions politiques).
Vous reconnaîtrez qu'il serait surprenant que "l'invention" des notions d'essence spirituelle de l'individu, d'impureté du corps et de métempsychose (ainsi que, accessoirement, le végétarisme, le refus de nuire à toute forme de vie et la recherche d'une purification de l'âme) soit une coïncidence avec l'arrivée dans le monde méditerranéen d'un courant religieux basé sur ces mêmes idées...
Et pourquoi l'Inde ? Tout simplement parce que toutes ces idées sont typiquement indiennes. Quelques mots sur l'Hindouisme : l'individu existe en lui-même, distinctement de son corps (Atman), il est condamné à se réincarner (Samsara) jusqu'à se libérer du poids de ses actions faites dans l'inconscience d'une vie dans le monde matériel (Karma), dans le but d'atteindre un éveil spirituel lui permettant de rejoindre le Divin (Moska). Bien sûr, rien n'alourdit plus le Karma que le mal qu'on fait à d'autres êtres vivants, c'est pourquoi on prône la non-violence (Amisha), souvent même le végétarisme. Certains hindous (de différentes traditions), appelés "saddhu", choisissent volontairement de se retirer du monde et de pratiquer l'ascèse. Ils ne consomment pas de viande et se consacrent pleinement à la quête de leur éveil.
Bref, les orphiques sont pour ainsi dire des saddhu grecs... Ce qui m'empêchait d'affirmer cela était l'absence supposée de communication entre l'Inde et la Grèce avant la période hellénistique. Mais le système des quatre (ou quatre plus un) éléments se retrouvant autant chez les philosophes présocratiques ioniens qu'en Inde avec le Lokayata et le Vaisheshika, une communication indo-grecque devient admissible...
Petite interprétation personnelle : des saddhu d'Inde auraient propagé leurs idées en Perse. Celles-ci n'auraient pas directement pénétré la Grèce puisque trop étranges et étrangères, mais se seraient d'abord installées en Thrace. De là, elles auraient été superficiellement "hellénisées" (pour être rendues acceptables) par un nettoyage du vocabulaire, une attribution de mythes faisant intervenir des dieux grecs, et par une prise d'importance de la poésie (domaine "sacré" par excellence pour les Grecs). De cela serait l'Orphisme, inspirant le Pythagorisme qui permettra lui même la philosophie présocratique italique puis le Platonisme.
Parallèlement, les physiciens ioniens développent le système des éléments en étant en contact avec l’Égypte et la Mésopotamie. De Mésopotamie, ce système cheminera jusqu'en Inde en traversant la Perse, et sera adopté par les philosophies Vaisheshika et Lokayata. Peu importe que les chemins des éléments et de la réincarnation ne soient pas les mêmes, tout ce qui compte est que la Perse ait pu ne pas être un mur imperméable entre l'Occident et l'Orient.
Dernière édition par le morosophe le Mer 28 Mar 2012 - 14:34, édité 3 fois