Bonjour, bonsoir.
Une question très bête me travaille : peut-on "encore" être essentialiste aujourd'hui ? Sous-entendu : étant donné l'"état" de notre science et philosophie ?
Par "essentialisme" il ne faut pas étroitement entendre des positions strictement métaphysiques ou ontologiques indépendamment de tout autre champ, mais l'affirmation systématique concernant tous les étages de l'arbre philosophique, des principes premiers à la pratique (pour reprendre une image classique) : en cela son contraire est précisément l'"existentialisme" qui dit que "l'existence précède l'essence", et que l'"essence" n'est de toute façon jamais que l'abstraction commode d'un donné temporaire.
Je précise :
Une manière canonique d'introduire à la philosophie (et, du même coup, à son histoire), consiste à relire Platon contre les sophistes, c'est-à-dire à justifier "la Raison" contre l'opinion. Or il n'y a de science que du permanent ; la vérité ne saurait varier ; le monde sensible est diversité mouvante ; il faut remonter ou accéder aux idées, ou formes, ou essences des choses, et cetera. Bref : l'essence précède l'existence ; ou il n'y a pas de philosophie. (Pour ma part, je reste marqué sans retour par une telle introduction... hélas.)
Mais la leçon suit son cour et au bout de quelque mois, Platon et Aristote apparaissent comme les introducteurs périmés d'une philosophie réformée, précisément beaucoup plus proche maintenant des "sophistes" à bien des égards.
Non, pardon : l'idéalisme vient La sauver. C'est que le permanent, la forme, c'est nous, du moins "Moi".
Problème : "la science", c'est-à-dire les sciences de la nature, se moquent à peu près de cet idéalisme pour philosophes. Et réciproquement en somme. C'est le prix du sauvetage : après la séparation de la philosophie et de la théologie, voici celle de la philosophie et de la science.
Mais le "Sujet" fut-il "transcendantal" n'est jamais rien d'autre qu'un Homo sapiens, et "en dernière instance" toutes ses "formes a priori" s'expliquent par la physique et la biologie, comme une situation toute précaire.
Une philosophie comme celle de Dewey-Nietzsche, très à la mode, vient typiquement en bout de course triompher. Et à bon droit : en regard, les spéculations prétendant limiter quelque peu nos aventures transformatrices au nom de la "nature humaine" ne sont-elles pas agitations comiques et rétrogrades ? Il n'est que d'"expérimenter".
Certainement, on peut bien être "platonicien", "aristotélicien", ou encore "thomiste" (quoi d'autre en matière d'essentialisme ?) — et certains ne s'en privent pas —, au sens où l'on adhère à l'une de ces philosophies... et on peut aussi ajouter qu'"il n'y a pas de progrès en philosophie", que "ce n'est pas parce qu'un auteur est plus récent qu'un autre qu'il a raison sur lui", et enfin que "philosopher 'avec' Aristote est toujours profitable" — et on le répète volontiers aux élèves de terminale pour justifier les épreuves scolaires et notations qui les attendent... mais enfin, entre gens sérieux et initiés (Docteurs), on sait bien (?) qu'il s'agit là d'histoire de la philosophie et non de philosophie, c'est-à-dire de curiosité aimante pour des systèmes périmés, d'entretien de patrimoine, ou, au mieux, de propédeutique à Kant, aux Contemporains, et à la science "faillible" considérant toujours des "accidents".
Les seuls à demeurer essentialistes sont en somme les "religieux", au sens le plus vaste de ce terme, et typiquement les catholiques. Par exemple et de manière exemplaire, des métaphysiciens théistes considèrent la conséquence probablement nécessaire de toute position essentialiste : l'Essence suprême ou l'Absolu, qu'ils prouvent (onto)logiquement. C'est là en somme l'essence qui précède absolument toute existence. Mais que devient cette idée "pure" quand nous songeons que le petit cerveau qui fomente cette opinion n'est que le résultat temporaire d'une immense histoire évolutive ?
Il n'y a plus qu'un Maxence Caron (qui doit récidiver très prochainement) pour nous assurer très catégoriquement de l'existence de Dieu "puisque" nous pensons (je résume)... et pour mépriser ou ignorer magnifiquement d'un même geste tout ce qui permet de faire le pont entre une telle métaphysique et les parties impures de la philosophie, et la science positive.
Plusieurs "moments" de l'histoire de la philosophie ou des sciences paraissent constituer l'histoire de la destruction progressive de l'essentialisme :
- Le "nominalisme" médiéval.
- Les tirs groupés de tous les grands penseurs des XVIIe et XVIIIe en direction de "Le Philosophe" (Aristote).
- Les progrès des sciences de la nature aux XIXe et XXe siècles, et spécialement ou de manière exemplaire l'émergence et le développement de la théorie de l'évolution des espèces.
Bien sûr je n'ai fait qu'exposer les "raisons historiques" (?) ou "de surface" qui plaident en faveur d'une incontestable péremption de l'essentialisme, ou encore ou plutôt de cette évidence massive que l'essentialisme, s'il n'est (admettons) pas métaphysiquement intenable, épouse fort mal le reste, infini, des nos connaissances. Est donc comme une cerise inutile sur le gâteau (au mieux).
En somme, ce que je veux dire : si l'essentialisme peut prétendre à quelque vérité, il semble que ce ne soit plus qu'à la Suprême. Mais alors il s'y trouve (et Elle avec) dans un cloisonnement parfait. La vérité de tout essentialisme alors : la pure théologie ? Et celle-ci dans une indépendance absolue. On ne peut plus dire : La vérité ne saurait varier, mais seulement : La Vérité ne saurait varier.
Connaissance éventuellement essentielle (précisément), mais aussi "utile" qu'une tautologie. Non ?
Une question très bête me travaille : peut-on "encore" être essentialiste aujourd'hui ? Sous-entendu : étant donné l'"état" de notre science et philosophie ?
Par "essentialisme" il ne faut pas étroitement entendre des positions strictement métaphysiques ou ontologiques indépendamment de tout autre champ, mais l'affirmation systématique concernant tous les étages de l'arbre philosophique, des principes premiers à la pratique (pour reprendre une image classique) : en cela son contraire est précisément l'"existentialisme" qui dit que "l'existence précède l'essence", et que l'"essence" n'est de toute façon jamais que l'abstraction commode d'un donné temporaire.
Spoiler :
Je précise :
Une manière canonique d'introduire à la philosophie (et, du même coup, à son histoire), consiste à relire Platon contre les sophistes, c'est-à-dire à justifier "la Raison" contre l'opinion. Or il n'y a de science que du permanent ; la vérité ne saurait varier ; le monde sensible est diversité mouvante ; il faut remonter ou accéder aux idées, ou formes, ou essences des choses, et cetera. Bref : l'essence précède l'existence ; ou il n'y a pas de philosophie. (Pour ma part, je reste marqué sans retour par une telle introduction... hélas.)
Mais la leçon suit son cour et au bout de quelque mois, Platon et Aristote apparaissent comme les introducteurs périmés d'une philosophie réformée, précisément beaucoup plus proche maintenant des "sophistes" à bien des égards.
Non, pardon : l'idéalisme vient La sauver. C'est que le permanent, la forme, c'est nous, du moins "Moi".
Problème : "la science", c'est-à-dire les sciences de la nature, se moquent à peu près de cet idéalisme pour philosophes. Et réciproquement en somme. C'est le prix du sauvetage : après la séparation de la philosophie et de la théologie, voici celle de la philosophie et de la science.
Mais le "Sujet" fut-il "transcendantal" n'est jamais rien d'autre qu'un Homo sapiens, et "en dernière instance" toutes ses "formes a priori" s'expliquent par la physique et la biologie, comme une situation toute précaire.
Une philosophie comme celle de Dewey-Nietzsche, très à la mode, vient typiquement en bout de course triompher. Et à bon droit : en regard, les spéculations prétendant limiter quelque peu nos aventures transformatrices au nom de la "nature humaine" ne sont-elles pas agitations comiques et rétrogrades ? Il n'est que d'"expérimenter".
Certainement, on peut bien être "platonicien", "aristotélicien", ou encore "thomiste" (quoi d'autre en matière d'essentialisme ?) — et certains ne s'en privent pas —, au sens où l'on adhère à l'une de ces philosophies... et on peut aussi ajouter qu'"il n'y a pas de progrès en philosophie", que "ce n'est pas parce qu'un auteur est plus récent qu'un autre qu'il a raison sur lui", et enfin que "philosopher 'avec' Aristote est toujours profitable" — et on le répète volontiers aux élèves de terminale pour justifier les épreuves scolaires et notations qui les attendent... mais enfin, entre gens sérieux et initiés (Docteurs), on sait bien (?) qu'il s'agit là d'histoire de la philosophie et non de philosophie, c'est-à-dire de curiosité aimante pour des systèmes périmés, d'entretien de patrimoine, ou, au mieux, de propédeutique à Kant, aux Contemporains, et à la science "faillible" considérant toujours des "accidents".
Les seuls à demeurer essentialistes sont en somme les "religieux", au sens le plus vaste de ce terme, et typiquement les catholiques. Par exemple et de manière exemplaire, des métaphysiciens théistes considèrent la conséquence probablement nécessaire de toute position essentialiste : l'Essence suprême ou l'Absolu, qu'ils prouvent (onto)logiquement. C'est là en somme l'essence qui précède absolument toute existence. Mais que devient cette idée "pure" quand nous songeons que le petit cerveau qui fomente cette opinion n'est que le résultat temporaire d'une immense histoire évolutive ?
Il n'y a plus qu'un Maxence Caron (qui doit récidiver très prochainement) pour nous assurer très catégoriquement de l'existence de Dieu "puisque" nous pensons (je résume)... et pour mépriser ou ignorer magnifiquement d'un même geste tout ce qui permet de faire le pont entre une telle métaphysique et les parties impures de la philosophie, et la science positive.
Plusieurs "moments" de l'histoire de la philosophie ou des sciences paraissent constituer l'histoire de la destruction progressive de l'essentialisme :
- Le "nominalisme" médiéval.
- Les tirs groupés de tous les grands penseurs des XVIIe et XVIIIe en direction de "Le Philosophe" (Aristote).
- Les progrès des sciences de la nature aux XIXe et XXe siècles, et spécialement ou de manière exemplaire l'émergence et le développement de la théorie de l'évolution des espèces.
Bien sûr je n'ai fait qu'exposer les "raisons historiques" (?) ou "de surface" qui plaident en faveur d'une incontestable péremption de l'essentialisme, ou encore ou plutôt de cette évidence massive que l'essentialisme, s'il n'est (admettons) pas métaphysiquement intenable, épouse fort mal le reste, infini, des nos connaissances. Est donc comme une cerise inutile sur le gâteau (au mieux).
En somme, ce que je veux dire : si l'essentialisme peut prétendre à quelque vérité, il semble que ce ne soit plus qu'à la Suprême. Mais alors il s'y trouve (et Elle avec) dans un cloisonnement parfait. La vérité de tout essentialisme alors : la pure théologie ? Et celle-ci dans une indépendance absolue. On ne peut plus dire : La vérité ne saurait varier, mais seulement : La Vérité ne saurait varier.
Connaissance éventuellement essentielle (précisément), mais aussi "utile" qu'une tautologie. Non ?