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descriptionÊtre essentialiste aujourd'hui ? EmptyÊtre essentialiste aujourd'hui ?

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Bonjour, bonsoir.

Une question très bête me travaille : peut-on "encore" être essentialiste aujourd'hui ? Sous-entendu : étant donné l'"état" de notre science et philosophie ?

Par "essentialisme" il ne faut pas étroitement entendre des positions strictement métaphysiques ou ontologiques indépendamment de tout autre champ, mais l'affirmation systématique concernant tous les étages de l'arbre philosophique, des principes premiers à la pratique (pour reprendre une image classique) : en cela son contraire est précisément l'"existentialisme" qui dit que "l'existence précède l'essence", et que l'"essence" n'est de toute façon jamais que l'abstraction commode d'un donné temporaire.


Spoiler :

descriptionÊtre essentialiste aujourd'hui ? EmptyRe: Être essentialiste aujourd'hui ?

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Cocho a écrit:
Une question très bête me travaille : peut-on "encore" être essentialiste aujourd'hui ? Sous-entendu : étant donné l'"état" de notre science et philosophie ?

Originellement, le mot essentialisme est un néologisme introduit par Karl Popper, qui l’utilisa pour la première fois en 1945 dans La Société ouverte et ses ennemis, et le reprit ensuite de nombreuses fois dans plusieurs de ses ouvrages majeurs. Pour Popper, l’essentialisme est une conception de la science erronée, ayant son origine dans les philosophies de Platon et surtout d’Aristote. Les idées de Popper en la matière ont été vivement critiquées par Jacques Bouveresse (Philosophie des sciences – Tome 2 : Naturalisme et réalismes. Dirigé oar Sandra Laugier, Pierre Wagner, Ed. Vrin, Paris) selon lequel le peu d’intérêt que porte Popper, d’une manière générale, aux questions de mots et de définition se manifeste de façon caractéristique dans l’usage qu’il fait du terme essentialisme. Sous ce nom qu’il a introduit à l’époque où il travaillait à l’ouvrage intitulé Misère de l’historicisme, il désigne au moins trois théories ou positions philosophiques différentes. Cette notion est réintroduite aujourd'hui de façon plus pertinente par la métaphysique scientifique :
Claudine Tiercelin a écrit:
Métaphysique et philosophie de la connaissance ...
 […] on a souligné la proximité du modèle (sur les trois premiers points) avec l’essentialisme scientifique et les correctifs introduits : l’essence est non pas une quiddité statique ou une substance, ou une pure espèce naturelle, mais plutôt un quelque chose
aliquid foncièrement dispositionnel (proche, à certains égards, du structuralisme causal ou relationnel). La source réelle d’intelligibilité d’une chose est un ensemble de dispositions générales affectant la manière dont l’objet tendrait à se comporter dans certains types de circonstances : l’essence se définit en termes non de propriétés intrinsèques, mais de propriétés relationnelles ou dispositionnelles conditionnelles et mutuelles, ou de groupes (clusters) de pouvoirs causaux. L’évaluation du modèle à la lumière des concepts mis en œuvre en biologie donne un test plutôt concluant : nombreux sont les arguments à l’encontre d’une définition de l’espèce par des critères intrinsèques : ainsi, tout comme Kripke soulignait que les individus peuvent avoir des propriétés essentielles extrinsèques (notamment leur origine), l’approche cladistique, dans la taxinomie biologique, considère que les taxons biologiques se définissent non par renvoi à une constitution interne cachée mais par une propriété extrinsèque, l’ancêtre commun. Ensuite, en biologie évolutive, tant dans une approche adaptationniste (privilégiant le principe de sélection naturelle) que non adaptationniste (insistant sur le fait que les mutations s’opèrent au moins autant du fait d’une dérive génétique qui constitue une variation des fréquences génétiques liée au mode de reproduction ainsi qu’à la taille d’une population donnée), le concept de fitness (ou valeur sélective adaptative) joue un rôle clé que ne permettent pas de remplir les schèmes explicatifs de la physique….
https://www.college-de-france.fr/site/claudine-tiercelin/course-2013-02-06-14h30.htm






descriptionÊtre essentialiste aujourd'hui ? EmptyRe: Être essentialiste aujourd'hui ?

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Bonjour,

Merci beaucoup pour votre réponse. Elle vise juste.

C'est effectivement dans la "tradition" ou le courant "rationaliste et/ou analytique" qu'il faut voir une défense (critique), en fait la dernière, de l'"essentialisme" (notion problématique c'est vrai). Je suis très sensible à l'effort de C. Tiercelin et je vous remercie de citer ce passage très à propos.

Dans quelle mesure peut-on dire de telles propositions qu'elles explorent, ou du moins sont compatibles avec, ce qu'un E. Gilson a pu écrire dans L'être et l'essence ? (lecture marquante)

A quel(s) "classique(s) toujours contemporains" rapporter ce genre de propositions, qu'on pourrait présenter comme des introductions à la réflexion ? Plus généralement, à quels ouvrages introductifs se rapporter si on veut éviter toute mécompréhension ?

Par ailleurs (c'était une partie de ma question au fond), comment expliquer que ces propositions n'atteignent en rien ou presque la discussion philosophique commune ? En bout de course le constructivisme des "sciences sociales" (ou de la philosophie qui se confond à peu près avec elles) plus ou moins radical et plus ou moins au service d'une "politique" plus ou moins radicale, règne en maître dans la discussion commune comme dans les bavardages les plus banals (il suffit de tendre l'oreille : le premier quidam venu est "maître du soupçon et généalogiste" foucaldien en herbe).

Les ambitions "systématiques" de Tiercelin sont-elles encore recevables, et même audibles ? 

Il n'y a qu'à voir les réactions à son arrivée au Collège de France... 

A de nombreux égards une sorte de nietzschéisme-historicisme-nominalisme absolu est le paradigme de toute la discussion philosophique en France, hors duquel on est incompris et mal vu.

Cela rejoint cette grande frustration : la quasi absence tout à la fois de métaphysique, de la période médiévale, et d'une approche plutôt "analytique" dans l'enseignement qu'on dispense au lycée. Du même coup, pour l'enseignant, ce ou ces continents sont, de facto, quasi ignorés.

Or un traitement "essentialiste" (je garde le mot faute de mieux) des questions esthétiques, morales, pratiques diverses nécessite un long et patient détour par, disons, la réflexion "métaphysique" qui nous est devenue très exotique, et aux débutants ou élèves plus encore. C'est pourquoi on s'en dispense — d'autant mieux que c'est difficile. Mais, voilà, si c'était vrai, ou du moins bon à savoir ?

Une réserve cependant concernant Tiercelin : elle est "pragmatiste". Or je suis assez sensible aux sarcasmes critiques de P. Engel à l'égard de Dewey et Peirce alors même qu'il défend (lui aussi) l'"essentialisme". Mais on rentre là dans des discussions difficiles et pour lesquelles je suis mal armé.

descriptionÊtre essentialiste aujourd'hui ? EmptyRe: Être essentialiste aujourd'hui ?

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Cocho a écrit:
[...] la quasi absence tout à la fois de métaphysique, de la période médiévale, et d'une approche plutôt "analytique" dans l'enseignement qu'on dispense au lycée. Du même coup, pour l'enseignant, ce ou ces continents sont, de facto, quasi ignorés.
Or un traitement "essentialiste" (je garde le mot faute de mieux) des questions esthétiques, morales, pratiques diverses nécessite un long et patient détour par, disons, la réflexion "métaphysique" qui nous est devenue très exotique, et aux débutants ou élèves plus encore. C'est pourquoi on s'en dispense — d'autant mieux que c'est difficile. Mais, voilà, si c'était vrai, ou du moins bon à savoir ?

Le site Essentialisme de Wikipedia  en français ne donne aucune référence bibliographique alors que les sites anglais et allemands sont assez complets (https://en.wikipedia.org/wiki/Essentialism, https://de.wikipedia.org/wiki/Essentialismus). On a également l'entrée Essentialism de la Standford Encyclopedyia of Philosophy (https://plato.stanford.edu/search/searcher.py?query=essentialism). Le site PhilPapers (https://philpapers.org/s/essentialism) donne une bibiographie importante et il permet de télécharger plusieurs réfs citées. Il y a aussi l’article de Jacques Bouveresse, ESSENTIALISME, réduction et explication ultime. Revue Internationale de Philosophie, n° 117-118,1976, p.411-434, que je tiens à votre disposition si vous le souhaitez. Seriez-vous en mesure de compléter le site de Wikipedia  en français et/ou de faire une publication de synthèse sur ce sujet ?

Cocho a écrit:
Une réserve cependant concernant Tiercelin : elle est "pragmatiste". Or je suis assez sensible aux sarcasmes critiques de P. Engel à l'égard de Dewey et Peirce alors même qu'il défend (lui aussi) l'"essentialisme". Mais on rentre là dans des discussions difficiles et pour lesquelles je suis mal armé.

Dans son ouvrage Le Lieu de l'universel. Impasses du réalisme dans la philosophie ..., Isabelle Thomas-Fogiel critique vivement Claudine Tiercelin. L’avez-vous lu ?
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