Pas au sens affaibli qu'il a aujourd'hui. On s'ennuie non seulement parce que n'ayant pas une occupation, on se tourne les pouces, mais aussi et surtout, n'ayant aucune occupation, parce qu'on ne sait pas quoi faire. Précisément, l'ennui est le propre de quelqu'un qui, ne sachant pas quoi faire, découvre régulièrement qu'aucune de ses occupations habituelles ne le divertit plus : il a beau faire, il s'ennuie. Or c'est le symptôme de qui, en réalité, ne s'intéresse à rien. Ses divertissements se révèlent alors pour ce qu'ils sont : des divertissements qui, en le détournant du réel, lui cachent qu'en fait, il se désintéresse du réel. C'est banal, et ça disparaît sitôt qu'on a trouvé un nouveau divertissement.
Pascal emploie le terme dans son sens ancien, beaucoup plus fort, qui désigne une "douleur odieuse", un "tourment insupportable", un "violent désespoir". On le voit bien dans ce passage des Pensées à propos du divertissement :
Dernière édition par Euterpe le Dim 19 Nov 2017 - 1:49, édité 1 fois
Pascal emploie le terme dans son sens ancien, beaucoup plus fort, qui désigne une "douleur odieuse", un "tourment insupportable", un "violent désespoir". On le voit bien dans ce passage des Pensées à propos du divertissement :
Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achètera une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.
Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.
Quelque condition qu’on se figure, si l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, et cependant qu’on s’en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement, et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit.
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