Les peintres de la Grèce antique.

[Nouveau topic issu d'une digression sur la peinture grecque dans un autre fil de discussion]

Euterpe a écrit:

Les Grecs étaient doués pour les formes ; pour ce qui est des couleurs, si on excepte les peintres, ils étaient médiocres. La vision grecque, c'est la θεωρία et le théâtre.

Je ne serai pas aussi catégorique. Avant tout parce que les couleurs n'existent pas que sous forme pigmentaire. L'Odyssée est une fresque très colorée. Le grec possède une grande richesse de vocabulaire pour décrire les couleurs. Ils ne procédaient pas comme nous, avec des noms de couleur bien précis, mais utilisaient beaucoup d'adjectifs ou de métaphores. Rappelons en outre que l'Antiquité ne possédait qu'un nombre très restreint de pigments, et parmi ces pigments, certains étaient très fragiles à la lumière, d'autres très coûteux. Néanmoins, les Grecs aimaient les couleurs vives et n'hésitaient pas à colorier leurs belles constructions de marbre blanc, d'aucuns diraient peinturlurer, et ajouteraient qu'ils avaient très mauvais goût.

Euterpe a écrit:

Liber a écrit:

les couleurs n'existent pas que sous forme pigmentaire.

Je ne parlais que des peintures. Mais les limites techniques que vous mentionnez permettent effectivement de supposer que, pour compenser la fragilité des moyens disponibles, des couleurs vives paraissent une bonne solution. Toutefois, le soleil autant que la pluie devaient abîmer ces couleurs en quelques semaines. Peut-être en remettaient-ils des couches et des couches régulièrement.

Il semble que le peu de pigments disponibles ait contraint les artistes peintres grecs à voir le monde de façon assez terne. Ils peignaient essentiellement en camaïeu. Les couleurs vives étaient soit à base de végétaux, donc extrêmement fragiles, soit très coûteuses, par exemple la pourpre qui demandait un long procédé d'extraction, ou le lapis-lazuli, une pierre précieuse finement broyée. Je ne sais même pas si ces pigments étaient utilisés pour la peinture. On se servait de terres, souvent cuites pour renforcer leur teinte. Un Grec qui aurait vu toutes nos couleurs artificielles aurait eu sa perception du monde radicalement changée. Il est intéressant de remarquer à quel point notre vision de la nature peut être conditionnée par la technique. Comparez un champ comme celui de l'Eté de Poussin et ceux de Monet. Comme la nature paraît soudain plus colorée ! l'Odyssée est assez terne, mais elle abonde en métaphores, la mer qui ressemble au vin par exemple. A chaque fois, le poète, faute d'avoir sous la main un nom de couleur précis, renvoie à quelque chose de coloré. L'impression de rêve et de vitalité en est renforcée.

Document : La connaissance et la dénomination des couleurs

Mais même en dehors de questions historiques, il ne serait pas inutile de réviser ce qu'on appelle le pouvoir des mots ; de même, trouvez les textes antiques sur la musique et les bouleversements qu'elle provoque. Même les joies les plus fortes que suscitent certaines peintures ne sont rien comparées au pouvoir de la musique. C'est par l'oreille que le monde nous pénètre d'abord.

La musique nous révèle un monde inconnu, tandis que par la vue, nous sommes émerveillés directement, d'où le lien entre musique et message divin, inspiration. Les images se vengent, si je puis dire, en faisant leur apparition dans le rêve.

Dernière édition par Euterpe le Mer 27 Juil 2016 - 11:26, édité 2 fois

Euterpe a écrit:

C'est passionnant. Vous disposez de ressources livresques à ce propos ?

Juste un livre sur les pigments et leur histoire : Histoire vivante des couleurs, 5000 ans de peinture racontée par les pigments
Un peu abrupt dans ses thèses, écrit de façon trop journalistique, mais très intéressant et très bien documenté, avec de nombreux exemples et anecdotes.