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descriptionLe terme « génocide » EmptyLe terme « génocide »

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Une actualité parlementaire houleuse dans notre beau pays m'a remis en mémoire des débats que j'avais eu sur un ancien forum à propos de la négation des génocides, en particulier de la Shoah. Mais le négationnisme ne peut se comprendre qu'un définissant ce qu'est un génocide.

Un génocide est l’extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d’un groupe ou d’une partie d’un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales.

J'avoue que cette définition me laisse perplexe. Tout groupe humain qui voudrait en exterminer un autre serait en effet obligé de définir des critères, ou au moins de les avoir hérités à partir de l'histoire. En quoi les immenses massacres des pays communistes se distinguent des génocides ? Ces hommes ont bien été tués pour leur refus de croire à une idéologie politique, notamment par leur attachement à une culture religieuse, à une société, ou une ethnie. L'intentionnalité du crime est en outre indubitable. De même dans une guerre : il faut bien décider qui est l'ennemi. Ensuite, on applique une planification, qui a pour but la destruction de cet ennemi. Les critères de sélection sont aussi liés à une appartenance ethnique, religieuse ou sociale, par exemple, dans la guerre de 1870 contre la Prusse, dans les guerres de religion du Moyen-Age ou postérieures, dans l'Antiquité, la guerre contre certaines couches sociales (les hilotes à Sparte). Enfin, le nombre de morts n'est pas une indication fiable pour savoir s'il y a eu génocide ou pas : qu'une peuplade amazonienne soit décimée, il s'agira d'un génocide, extermination d'une ethnie, pourtant le nombre de morts sera très limité (sans proportion avec les ethnies africaines comme au Rwanda qui comptent des millions de personnes). L'aspect systématique de tous ces massacres étant par ailleurs assuré à cause de la similitude entre les morts, similitude "ethnique, religieuse ou sociale".

Avant même de parler de négationnisme, il nous faudrait donc définir ce qu'est exactement un génocide, et savoir s'il y en a déjà eu dans l'histoire, autrement dit, si tout massacre important n'est pas systématiquement un génocide. Qu'en pensez-vous ? C'est une question de plus en plus présente dans l'actualité, et finalement, qui nous concerne tous, car nous pourrions tomber un jour ou l'autre, historiens, journalistes, simples lecteurs-débatteurs, sous la férule de la loi !

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Liber a écrit:
En quoi les immenses massacres des pays communistes se distinguent des génocides ? Ces hommes ont bien été tués pour leur refus de croire à une idéologie politique, notamment par leur attachement à une culture religieuse, à une société, ou une ethnie.
Le cas des millions de morts victimes du communisme, je crois, échappe à la définition du génocide en fonction d'un critère qui est exactement le même que celui appliqué au cas de la Vendée, victime de la Convention et des "colonnes infernales" en 1793-1794. Quel est ce critère ? On ne massacre pas des personnes pour ce qu'elles sont, mais pour la pensée ou l'opinion qu'elles incarnent. Leurs origines ethniques, religieuses ou sociales échappent à l'objectif visé. Les discours des conventionnels de fin 93-début 94 montrent que la Vendée est conçue comme inassimilable, non convertible à la Révolution. C'est un "corps étranger" qu'il faut expulser car l'opinion qu'elle incarne, la contre-révolution, ne peut être corrigée (mais on y trouve des paysans, des aristocrates, des religieux, etc.). Nous sommes encore dans le cadre de la politique, celui de la guerre (cf. Schmitt, la politique comme la distinction de l'ami et de l'ennemi). Ici, l'ennemi est irréconciliable (pas de compromis, pas d'entente possibles). On en vient à la guerre totale. Il y a bien extermination ou volonté d'extermination, mais l'extermination échappe à la définition du génocide quoiqu'elle constitue un crime contre l'humanité. Toutefois, comme on n'a pas établi une définition unanimement admise du "crime contre l'humanité", contrairement au génocide, disons que la difficulté (qu'on peut résumer ainsi : un génocide est un crime contre l'humanité, mais un crime contre l'humanité n'est pas nécessairement un génocide) tient peut-être dans l'assimilation fréquente de l'un et de l'autre. Les millions de victimes du communisme n'ont qu'un point en commun : ils sont victimes du communisme (qu'ils soient paysans ukrainiens ou géorgiens, juifs, déserteurs, et tous ceux qu'on peut trouver dans les goulags et qui s'y trouvent, non parce qu'ils ont un point en commun, constitutif d'une identité par exemple, mais parce qu'ils sont inassimilables).

Dès lors, même un massacre d'envergure ne constitue pas nécessairement un génocide, lequel repose sur une identité, un lien ethnique, religieux ou social. Ce qui, effectivement, peut sembler complètement absurde. Si on massacre 20000 ouvriers, il y a génocide : la même origine sociale, juridiquement, permet de l'établir. Si on massacre 20000 hommes parmi lesquels on trouve des ouvriers, des patrons, des femmes, des enfants, des vieillards, des bègues, des curés, des cyclistes et des livreurs de pizzas, des polygames, des nécrophages, des bouddhistes et des peuls, il n'y a pas de génocide qu'on puisse juridiquement établir. D'un côté, un génocide, autrement dit un crime contre l'humanité. De l'autre, un crime contre l'humanité, mais pas un génocide. Même en jugeant que l'humanité ne forme qu'une "race", ce n'est pas le fait de la race qui aura motivé ce massacre. Tout de même, à quoi on s'expose.

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Euterpe a écrit:
On ne massacre pas des personnes pour ce qu'elles sont, mais pour la pensée ou l'opinion qu'elles incarnent. Leurs origines ethniques, religieuses ou sociales échappent à l'objectif visé.

D'où une question que je me pose. Pourquoi ce qu'on est (je crois comprendre qu'il s'agit ici de ce qui nous est légué à la naissance par nos origines) est-il plus important que ce qu'on pense ? On fait ainsi de l'hérédité (physique ou intellectuelle) la plus élevée des valeurs. On pose aussi que les peuples sont plus importants que les individus (le nombre de morts ne compte pas dans la définition du génocide), les individus seuls ne représentant que peu de valeur. Sommes-nous différents en cela des peuplades "primitives" qui pratiquent le culte des ancêtres, une vie presque uniquement communautaire, sans grande conscience individuelle ? C'est assez singulier quand on se vante de vivre en démocratie, une démocratie qui se perfectionne tous les jours un peu plus. Ou s'agit-il de préserver à tout prix les cultures, comme on cherche à préserver les espèces du monde animal ? Cela rentrerait dans l'idéologie qui a créé des musées comme celui du Quai Branly. En philosophie, nous pouvons opposer Nietzsche à Socrate, Socrate étant un émancipateur vis-à-vis des ancêtres, alors que Nietzsche nous ramène sans cesse au souvenir de la longue chaîne humaine qui nous a précédés, bien qu'il soit juste d'ajouter qu'il cherche lui aussi à s'en délivrer... un jour.
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