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descriptionLe je ne sais quoi et le presque rien EmptyLe je ne sais quoi et le presque rien

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Bonjour à tous.
J'ai commencé à lire le tome 1 du Je-ne-sais-quoi de Jankélévitch, et, n'étant pas (et loin s'en faut) philosophe de formation, je me retrouve devant une difficulté technique de compréhension, c'est-à-dire que j'ai l'impression qu'il faut une maîtrise d'un certain vocabulaire philosophique dont je ne dispose pas.
Auriez-vous des pistes de lecture ou autre pour aborder cet ouvrage dont le sujet me passionne mais dont l'abord est quelque peu ardu ?
Merci d'avance, et bonne fin d'année à vous.
Nash

descriptionLe je ne sais quoi et le presque rien EmptyRe: Le je ne sais quoi et le presque rien

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En préambule à l’exégèse du «Le Je-ne-sais-quoi et le Presque rien » on peut dire que Vladimir Jankélévitch est l’héritier de Bergson qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1926 et pour qui « ce qui caractérise l’esprit, ce qui constitue son essence, se trouve aussi au cœur même de la matière : le fond de la matière est d’essence spirituelle », ainsi que de Schopenhauer qui est lui aussi un écrivain-philosophe. Clément Rosset témoigne de cette langue presque littéraire de Schopenhauer, qui fut sans doute l’un des legs qu’aura su recueillir Nietzsche de celui qu’il nommera son éducateur :
Clément Rosset a écrit:
Préface à Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, éd. R. Roos, trad. A. Burdeau.
Une autre singularité de Schopenhauer est la clarté et la lisibilité de son écriture (qualité peu fréquente, on le sait, chez les philosophes, notamment les philosophes allemands). J’allais dire que Schopenhauer est le seul philosophe allemand à bien écrire le français. Ce lapsus n’en serait d’ailleurs pas tout à fait un, puisque Nietzsche déclarait préférer lire Schopenhauer dans sa traduction française plutôt que dans sa version originale.

Pour Schopenhauer, la musique « est la reproduction immédiate de la volonté elle-même et exprime ce qu’il y a de métaphysique dans le monde physique, la chose en soi de chaque phénomène » (Le Monde). Jankélévitch écrivait à son ami Louis Beauduc : « Vous saurez donc, d'abord, mossieu, que je ne défends jamais les théories qui me sont chères lorsque le mercure a dépassé les 30 degrés ; apprenez ensuite que l'amour-propre d'un vitaliste est au-dessus des vaines égratignures et des mesquines railleries du plat intellectualiste qui n'a jamais entendu chanter au fond de lui-même avec Schopenhauer et Hartmann, la « sourde mélodie de la vie intérieure ». La musique, pour Jankélévitch, est d'abord et avant tout un ineffable. Quelque chose que l'on ne peut pas nommer et qu'il est impossible de délimiter. Un je-ne-sais-quoi, selon son expression.
Hélène Politis a écrit:
Jankélévitch interprète de Kierkegaard, Lignes 1996/2 (n° 28), p. 77-89.
La façon d'écrire tout à fait singulière qui est celle de Jankélévitch aussi bien dans son style que dans son projet d'écriture rend ardu le relevé des références. Celles-ci sont souvent exposées, parfois même apparemment surchargées, mais presque simultanément cryptées, dissimulées, par un mouvement de retrait ou de pudeur exigeante qui met le lecteur en position d'en savoir trop et trop peu, d'avoir à toujours chercher davantage tout en ayant à faire le tri dans la surinformation dont il dispose afin d'accéder au noyau original de la parole de Jankélévitch. Cette parole apparaît en effet comme un commentaire qui n'est jamais un commentaire d'histoire de la philosophie ou d'histoire de la littérature mais qui ne peut se dire qu'en empruntant une part de ses ressources à la philosophie et à la littérature, à la musique aussi, sans jamais les séparer de leur histoire.

 J'en donnerai deux exemples, dont voici le premier. Dans L'ironie, on lit à la page 150 : «La nuit tous les chats sont gris». Trivialité et banalité ? Volonté d'user du registre de la langue quotidienne ? Allusion à la sagesse d'un dicton populaire ? Ce serait alors pour Jankélévitch une stratégie parmi d'autres afin de rappeler que la philosophie, telle qu'il la pratique, ne concerne pas seulement les philosophes. Mais la référence savante est donnée si, lisant la page 150, on n'a pas oublié la page 18: «La nuit, plaisante Hegel, tous les chats sont gris». C'est incontestablement un renvoi à la célèbre formule de la « Préface » à La Phénoménologie de l'esprit que Jean Hyppolite avait traduite en parlant de « la nuit dans laquelle, comme on a coutume de dire, toutes les vaches sont noires », alors que- Dina Dreyfus n'a pas manqué de l'indiquer -le proverbe allemand concernant les vaches et le proverbe français concernant les chats sont équivalents. Parfois Jankélévitch procède à l'inverse : il commence par une allusion sans référence, se réservant de donner cette référence un certain nombre de pages plus loin.
Voici maintenant le second exemple, que je tire encore de L'ironie, en bas de la page 153 cette fois: «Il ne sera pas dit que la conscience puisse mépriser le monde sans s'exténuer elle-même, sans perdre, comme le corbeau, son fromage». Nous pensons aussitôt à Jean de La Fontaine (non nommé ici). Or, si La Fontaine est présent, il l'est comme un masque que Jankélévitch ne manque pas d'ôter: il pense en effet à un passage du Concept d'ironie de Kierkegaard' mais dans une traduction allemande puisque, à l'époque où il rédigeait ceci, il n'y en avait pas de traduction française. Kierkegaard, critiquant l'ironie romantique- et songeant, quant à lui, à la fable d'Ésope plutôt qu'à celle de La Fontaine-, écrit: «Il advint au Je ce qu'il advint au corbeau qui, séduit par les flatteries du renard concernant sa personne, perdit le fromage». Le fromage de ce corbeau vient ainsi probablement d'Ésope (non mentionné par Jankélévitch) et surtout la référence principale de Vladimir Jankélévitch pour tout ce développement, c'est l'analyse kierkegaardienne de l'ironie romantique, analyse que Kierkegaard produit en renvoyant explicitement à Hegel...Kierkegaard, Hegel, les Romantiques allemands, voilà le vrai fromage que Jankélévitch, moins trompé par les charmes de l'extériorité que le corbeau de la fable, ne lâche assurément pas mais tient ferme tout au long de son commentaire, en réalité fort érudit, sur l'ironie.
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