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Raison et déraison.

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Janus
Gnomon
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descriptionRaison et déraison. - Page 8 EmptyRe: Raison et déraison.

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Gnomon, je vais tenter de vous répondre bien que votre commentaire soit très riche et très approfondi. Si j'oublie certains arguments j'en suis désolé. Pour vous répondre, je vais tenter de donner les définitions que je trouve plausibles aux concepts autour desquels nous débattons. Vous verrez je pense la différence entre nos deux thèses.

L'objectivité est selon moi l'expression la plus parfaite de la raison. Elle est dénuée de jugement, lequel est subjectif et guidé par les sentiments, elle est dénuée d'a priori, subjectif par définition, et elle demeure notre seul moyen d'acquérir des connaissances. Être objectif c'est écarter nos sentiments, intuitions et passions au profit de notre seule raison. Pour moi c'est impossible.

La connaissance est donc pour moi une idée qui est universellement vraie. S'il existe un cas particulier alors nous n'avons pas affaire à une connaissance.

De ces deux définitions j'écarte donc l'expérience comme moyen d'avoir une connaissance objective. Pourquoi ? Parce que l'expérience est selon moi toute interaction que nous avons avec le réel mais qui se caractérise par une réaction constante que nous avons vis-à-vis du réel. En d'autres termes nous subissons notre relation au réel. Ainsi ce sont nos affects qui sont les premiers consultés, puis vient notre réflexion et notre analyse. Mais ces deux dernières sont nécessairement corrompues par nos affects, il n'est donc aucun moyen de pouvoir analyser une expérience de manière objective.

Je pourrais prendre l'exemple de Kierkegaard qui dans La Répétition tente l'expérience de passer la même soirée deux fois. Cette soirée est totalement identique, il va au restaurant (le même), à l'opéra (au même endroit, la même représentation). Or ces deux expériences, bien qu'identiques, l'affecteront de manière totalement différente. Il lui sera donc impossible d'avoir une réflexion objective sur ses expériences. De la même manière une répétition est nécessairement quelque chose qui a déjà existé sinon ce ne serait pas répété, or ce sont deux expériences distinctes qui nous affectent de manière distincte. Vous parlez de vérité objective ; là aussi je vais recourir à Kierkegaard qui dans ses Miettes Philosophiques déclarait que la "vérité est subjectivité et la subjectivité est vérité. En effet le réel ne vous sera dévoilé qu'à travers le prisme de vos expériences passées, de vos affects et de vos perceptions. Selon une situation réunissant plusieurs protagonistes chacun aura une expérience différente de cette situation réelle et n'aura donc pas le même jugement. Ou bien ils arriveront à la même conclusion mais pour des causes différentes. Dans une salle de cinéma il y a ceux qui ont aimé le film, d'autres qui ne l'on pas aimé et chacun aura aimé ou pas aimé pour des raisons différentes.

Enfin vous parlez de vérités scientifiques. Je pense, mais ce n'est qu'une opinion, qu'il n'y a de vérité scientifique établie uniquement parce que l'on n'a pas vu les cas exceptionnels qui les infirment. Jusqu'à Copernic la Terre était au centre de l'univers.

Pour ce qui est de La Rochefoucauld, je ne suis pas nécessairement d'accord avec son affirmation. Être jaloux c'est avoir peur de perdre ce que l'on possède au profit d'un autre. Je pense que c'est plus dans la haine de cet autre que se révèle la jalousie que dans notre propre image. Je suis jaloux du meilleur ami de ma femme non parce que je me sens délaissé ou que je doive partager des moments privilégiés avec cet autre mais parce que j'ai peur de perdre les rares moments que je possède encore avec elle donc je me mets à détester cet autre et c'est ainsi que s'exprime ma jalousie. Il y a une part d'égocentrisme certes mais il n'est pas prépondérant. Il est davantage important dans l'envie selon moi.

descriptionRaison et déraison. - Page 8 EmptyRe: Raison et déraison.

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Voilà des arguments bien ajustés de part et d'autre aurait proclamé Socrate en lisant nos derniers messages. Et il se serait empressé d'ajouter : il ne nous reste plus qu'à trancher ! Cette simple injonction de Socrate, si je suis la conclusion de Jean Ghislain, "la valeur qu'on attribue aux choses est purement subjective", et celle de JimmyB, "être objectif (...) pour moi c'est impossible", n'est en réalité que de la prétention pure et simple. Mais comment savoir si Socrate, ou tout prétentieux, sait ou s'il prétend savoir ? Peut-être le fait ne vous a-t-il pas paru évident, parce qu'immédiat dans son application, mais vous avez tous les deux, dans vos conclusions, affirmer quelque chose. Comment avez-vous pu vous sentir "en droit" d'affirmer quelque chose ? Parce que vous avez motivé vos conclusions. Certes, mais vos arguments vous ont permis d'affirmer quelque chose. Et votre affirmation implique la possibilité de connaître, sinon pourquoi affirmer ?
Votre position à tous deux, par un chemin différent, mène à la conclusion des Mégariens. L'Ecole mégarique a été fondée entre le Vè et le IVè siècle, après la mort de Socrate. Euclide de Mégare en fut le représentant le plus connu. Or, paradoxe, les Mégariens se réclamaient les héritiers de Socrate. Et bien que Socrate ait consacré toute son œuvre à militer en faveur de la possibilité d'établir une connaissance sûre du type "A est égale à B en fonction d'une relation entre les deux termes", les Mégariens s'en tenaient à cette seule affirmation possible à leurs yeux "A est égal à A" et "B est égal à B". La jalousie de l'un (A) est égale à sa propre jalousie (A) et la jalousie d'un autre (B) est égale à la sienne propre (B).

Cette question, comme vous le voyez, traverse l'histoire même de la pensée depuis son origine et pose toujours la question de la connaissance dans les mêmes termes : au fond, qu'est-il possible de connaître ? Dans la Critique de la Raison pure, Kant a tenté lui aussi de répondre à la question en séparant connaissance religieuse, sacrée, et scientifique. Si la question revient effectivement fréquemment à différentes époques c'est que la situation-même de l'être humain l'oblige à considérer cette question comme vitale. Il vit sur terre, où les erreurs (qui sont toujours de jugement) se paient cash. A ne jamais se brosser les dents, elles finissent pas pourrir. A toujours placer sa confiance dans des personnes qui n'en valent pas la peine c'est s'assurer des douleurs et de la déception. Ce n'est pas moi, ni Socrate, ni vous qui créons dans notre tête des choses qui n'existent pas. C'est parce qu'en voyant que ceux/celles qui ne se brossent jamais les dents, comme en voyant les premières conséquences sur la couleur de l'émail de ses propres dents si on vient à oublier de se les brosser pendant quelques semaines, que l'être humain note un lien de causalité, si du moins il garde son attention en éveil, entre deux phénomènes qui entre eux n'ont rien de commun : la pourriture et les dents. La pourriture est une chose bien visible dans le réel, tout comme les dents. Ce sont deux choses réelles entièrement distinctes. Mais par le fait, tout aussi réel, de ne jamais se brosses les dents, la pourriture et les dents finissent par se confondre en une dentition cariée. Ce fait réel, la pourriture des dents, est exprimée, quant à sa cause, par l'expression générale suivante : A (les dents) est égal à B (la pourriture) en fonction d'une relation objective entre les deux termes (les dents pourrissent). Vous voyez bien qu'il est possible d'observer des liens de causalité objectifs entre une chose différente d'une autre.
Je m'étendrai là-dessus plus longuement dans un message suivant, si vous le désirez. Mais, en attendant, j'aurais aimé vous lire sur la question suivante, qui est à prendre dans un sens très général : qu'est-il possible de connaître à coup sûr, sans se tromper, mis à part les connaissances scientifiques ? Et sur quelle base vous sentez-vous certains, d'une manière générale, dans n'importe quel cas de figure où vous êtes amenés à devoir le faire, de pouvoir affirmer quelque chose sans risque de vous tromper ?
Je m'en vais répondre à vos arguments et questions posées dans le message suivant.

descriptionRaison et déraison. - Page 8 EmptyRe: Raison et déraison.

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Je me suis efforcé d'être le plus court possible dans ma réponse pour éviter les redites et parvenir au but le plus rapidement possible. D'autant qu'à bien vous relire, il est certain que nous nous méprenons sur le sens qu'accorde chacun à l'objectivité. J'espère, pour faciliter la progression dans la discussion, que vous vous en apecevrez également en me lisant. Car, j'ai vraiment essayé de vous répondre en fonction de vos messages mais, sans préicser le sens de l'objectivité, ce me sera vraiment difficile.
Lors d'une projection de cinéma, les spectateurs auront apprécié le film, ou pas, pour des motifs très divers et dont il serait impossible de déterminer ce qui a bien pu motiver les appréciations de chacun. Mais je n'appelle pas celà objectiver un fait réel. Si objectiver un fait réel consiste à savoir pourquoi il se passe (pourquoi un spectateur aime ou pas un film), alors objectiver un fait réel est impossible. Mais, dans la description que vous avez donné de la projection cinématographique dans votre message, vous avez classé vous-même, à votre insu, tous ces spectateurs en deux catégories : A = ceux/celles qui ont aimé le film; B = ceux/celles qui n'ont pas aimé le film. Cette façon de procéder, qui consiste à ranger dans un ensemble abstrait des éléments en fonction d'un fait réel commun, s'appelle "objectiver la réalité".
Un fait réel ne s'objective jamais tout seul, mais toujours en relation à autre chose, voire à plusieurs. Donc, oui, je vous rejoins lorsque vous écrivez qu'analyser les goûts d'un sujet pensant (pourquoi il aime ou pas un film) par rapport à lui-même, ce n'est pas une connaissance puisqu'elle ne vaut que pour le sujet pensant. Par là, vous apercevez peut-être ce qui est une connaissance purement subjective. Celle-ci est relative au sujet pensant, en relation à lui-même. Donc, sans valeur pour les autres sujets pensants. Alors qu'une connaissance objective se définit en relation avec au moins deux objets d'analyse au minimum. Dans le cas de deux spectateurs assistant à la projection d'un même film, si on demande à tous ces spectateurs de se grouper en fonction d'un critère commun, nous obtiendrons, au minimum, deux groupes distincts : A = a aimé le film et B = n'a pas aimé le film. Si nous avons plusieurs spectateurs, ces deux groupes concrets de personnes physiques tiennent toujours, mais peuvent encore être affinés en divisant chaque groupe en fonction d'un autre critère bien réel : C = à cause du scénario ; D = à cause du jeu des acteurs. Et vous obtiendrez 4 groupes : AC = a aimé le film à cause du scénario ; AD = a aimé le film à cause du jeu des acteurs ; BC = n'a pas aimé le film à cause du scénario ; BD = n'a pas aimé le film à cause du jeu des acteurs.
Est-ce que cet exemple suffit à montrer ce que signifie objectiver ? Car, à mon sens, à bien vous relire pourtant, à cette question vous n'avez pas vraiment répondu. L'un et l'autre, d'ailleurs. Je ne veux vraiment pas vous ennuyer, mais j'ai vraiment envie de vous demander si vous percevez bien la distinction entre un fait réel objectif et un fait réel subjectif. Qu'est-ce qui donne à chacun de ces deux faits réels un caractère d'objectivité (aimer ou pas) et un caractère entièrement subjectif (pourquoi ils aiment ou pas) ?
Il est vrai que j'avais repris la crainte des Anciens sur l'instabilité de la connaissance, à l'image de l'instabilité du monde matériel, pour mieux vous présenter leur point de vue. Mais je ne le partage pas. Les connaissances scientifiques n'ont pour moi, rien d'immuable, ni d'éternel, et encore moins d'absolu. Mais il n'en demeure pas moins qu'une vérité scientifique est toujours objective même si elle est relative et destinée à céder la place à une autre. Que chaque spectateur assitant à la projection d'un même film l'apprécie ou pas pour des motifs très personnels est un fait réel subjectif. Mais que des spectateurs aiment ou pas un film, pour la qualité de son scénario ou le jeu des acteurs, est un fait objectif irrécusable qui vous permet de séparer n'importe quel groupe de spectateurs en fonction de leurs propres réponses, donc leur propre fait subjectif à chacun. En reliant les réponses subjectives, ou simplement les faits subjectifs, de chacun dans lesquelles se trouve un caractère commun, vous objectivez tous ces faits subjectifs. Vous leur donner un caractère, non pas d'universalité absolue, mais de cohérence avec d'autres (tous ceux/celles qui ont aimé d'une part et tous ceux/elles qui n'ont pas aimé d'autre part).
Qu'y a-t-il de cohérent entre la multiplicité des goûts face la projection d'un film ? Rien. Mais rassembler des goûts similaires (aimer ou pas, quelque soit la raison), c'est une activité de la raison très cohérente même si elle ne livre pas le pourquoi des raisons qui ont amené chaque spectateur à aimer un film ou pas. Si vous voulez, je peux tenter d'approfondir dans un message ultérieur la distinction entre subjectif et objectif. Parce qu'il me semble que vous interprétez ma façon de distinguer ces deux phénomènes dans un sens autre que je n'essaie de vous le présenter et qui correspond à une façon de penser tout à fait courante et que vous utilisez vous-même, mais à votre insu, tellement l'action est spontanément naturelle pour la conscience. Mais je peux appronfondir ma pensée si vous estimez que je n'en aurais pas assez dit dans ce message sur la question.
Pour la jalousie, nous nous méprenons sur le sens à donner au mot "amour". Dans la mesure où nous entendons le mot "amour" comme un sentiment du type kantien qui considère l'objet de son amour comme une fin et non comme un moyen pour réaliser ses propres fins, ses propres désirs, n'y a-t-il pas plus d'amour-propre dans la jalousie que dans l'amour à ce moment-là ? Puisque l'amour, entendu au sen kantien, aime pour réaliser le bonheur de son amant, et que le jaloux aime, ou plutôt utilise l'amour de son amant, comme d'un moyen, pour garder son amant en sa possession exclusive.

descriptionRaison et déraison. - Page 8 EmptyRe: Raison et déraison.

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Oui je suis d'accord je vous l'ai d'ailleurs dit, nos définitions étant différentes nous ne pouvons être d'accord.

Quand j'affirme quelque chose je ne suis pas sûr que cela soit vrai, je suis même presque certain du contraire mais j'essaye de faire en sorte que ce soit le moins erroné possible. Donc je ne trahis pas mes arguments en affirmant quelque chose. Donc je vais répondre à vos questions : je ne suis sûr de rien, même pas des vérités scientifiques, car si on lit Poincaré, il affirme lui-même que le débat scientifique est constellé de préjugés. Je suis curieux par exemple de connaître une vérité scientifique à propos du réchauffement climatique. Donc pour moi et comme je l'ai déjà dit, rien n'est sûr et je ne suis certain de rien. Pour moi une vérité scientifique n'est telle que parce qu'elle n'a pas encore été contredite.

Je vous ai spécifié mes définitions d'objectivité et de subjectivité en expliquant que nous demeurions toujours dans la subjectivité puisque jamais débarrassés de nos affects. Logiquement s'ensuit que nous n'avons jamais de contact avec une connaissance qui serait de facto objective.

Pour la jalousie, je prenais l'amour au sens kierkegaardien et non au sens kantien, d'où la possible différence.

descriptionRaison et déraison. - Page 8 EmptyRe: Raison et déraison.

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Je comprends mieux maintenant pourquoi notre discussion avait l'air de tourner en rond. Ceci dit, je ne tiens pas évidemment à vous faire changer de position. Mais néanmoins, votre scepticisme, plutôt radical, quant à la validité des connaissances scientifiques, et de toutes celles ques nous développons en-dehors du domaine de la science, équivaut à une contradiction que vous n'apercevez pas.

Lorsque vous posez en toute certitude que :
JimmyB a écrit:
je ne suis sur de rien même pas des vérités scientifiques (...) rien n'est sur et je ne suis certain de rien
je vous répondrais, avec Epicure : "Celui qui soutient qu'on ne peut rien savoir ne sait pas même s'il est vrai qu'on ne puisse rien savoir, puisqu'il avoue qu'il ne sait rien. Je ne dispute point avec un homme qui contredit les notions les plus évidentes. Mais quand même je lui accorderais qu'il est sûr qu'on ne sait rien, je lui demanderis où il a appris ce que c'est que savoir et ignorer, n'ayant jamais rien trouvé de certain, d'où lui vient l'idée du vrai et du faux, et comment il distingue le doute de la certitude" - Lucrèce IV, 480-500

Vous posez avec certitude qu'on ne peut rien savoir et vous ne vous rendez pas compte que, ce faisant, vous affirmez tenir une certitude. Votre certitude quant à l'impossibilité d'être sûr de quelque chose vous mène à contredire votre certitude que rien n'est vrai puisque vous êtes certain qu'il est vrai qu'on ne peut rien savoir de certain.
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